L'histoire de Milton Erickson
5 décembre 1901 – 25 mars 1980
« L’homme qui se soigna lui-même »
5 décembre 1901 – 25 mars 1980
« L’homme qui se soigna lui-même »
Très tôt on s’aperçoit qu’il est atteint de troubles sensoriels et perceptifs congénitaux : il est atteint de daltonisme et d’atonalité.
Dès sa scolarisation, on se rend compte que le jeune Milton n’est pas seulement incapable de reconnaitre les rythmes et les sonorités musicales, mais qu’il est aussi atteint de dyslexie sévère. (Particularité qui l’obligera à consulter le dictionnaire constamment et ainsi de connaitre une grande quantité de mots !)
A l’âge de 17 ans il tombe gravement malade. Un médecin vient l’ausculter et confie à sa mère qu’il ne pense pas qu’il passera la nuit ! Milton qui entend cela se met en colère et sa révolte l’engage dans une détermination sans limite pour prouver à ce médecin et à sa famille qu’ils ont tort.
Il demande alors à ses parents de déplacer la commode de sa chambre afin qu’il puisse voir depuis son lit le soleil se lever. Dans les heures qui suivent, il tombe dans le coma, atteint d’une grave crise de polio. Plusieurs jours se passent et au réveil de ce coma M. Erickson est complètement paralysé.
Seuls ses yeux et sa bouche sont encore capables de bouger. Le médecin l’ausculte et déclare qu’il ne marchera plus jamais.
Ses troubles visuels et auditifs l’avaient déjà obligé à développer des stratégies d’adaptation particulières, une acuité et une faculté d’observation très fines.
Il passe donc ses journées à essayer de développer encore plus ces seules capacités restantes. Il essaye par exemple de déterminer qui entre ou sort de la maison en fonction des vibrations émises par les pas et les claquements de porte.
Ce faisant il s’aperçoit que lorsqu’il fait cela il est dans un état différent de l’éveil.
Parfois dans cet état il se rend compte qu’il « rêve », qu’il imagine des scènes déjà vécues… En sortant de cet état il ressent aussi des sensations, des picotements dans son corps et se demande alors quel est le lien entre ces sensations et les choses qu’il vient de voir !
Milton Erickson renouvelle ces expériences de manière à pouvoir y entrer et en sortir volontairement, et surtout de choisir quelle expérience il va faire. Il se rend compte alors que lorsqu’il choisit d’imaginer des expériences où le corps est sollicité, cela produit chez lui des sensations kinesthésiques étranges mais bien réelles.
Lui vient ensuite l’idée de ne plus essayer de reproduire dans son esprit des souvenirs du passé mais plutôt de créer des expériences nouvelles. Il demande alors à pouvoir observer sa toute petite sœur qui apprend à marcher, dans l’idée d’installer dans son propre corps, en état d’hypnose, tous les mécanismes qu’elle met en place pour arriver à ses fins.
Deux ans plus tard il quitte la maison avec un canoë sur le dos pour partir dans un périple de deux mois, afin de prouver qu’il est complètement guéri. Ce périple riche de rencontres et d’expériences le transformera encore et il en sortira physiquement et mentalement plus fort.
En faculté de médecine il apprend que ce qu’il a fait spontanément pour retrouver l’usage de son corps s’appelle l’hypnose. Mais sa conviction, contraire aux croyances de l’époque est que cet état naturel est accessible à tout le monde. Toujours contre l’avis commun de cette période qui disait que la seule façon de guérir était de retourner dans le passé, de revivre les traumatismes, lui pensait qu’il était préférable de s’orienter vers le futur afin de réapprendre au corps, à travers l’état hypnotique, ce qu’il avait perdu.
En 1928, Erickson obtient son doctorat en médecine en même temps que sa maîtrise de psychologie au Colorado general hospital. Il est ensuite stagiaire en psychiatrie au Colorado Psychopathic Hospital, où on lui interdit de mentionner l’hypnose, puis médecin assistant au State Hospital for Mental Diseases à Howard (Rhode Island).
D’avril 1930 à 1934, il est médecin-adjoint puis médecin-chef du service de recherche à l’hôpital d’État de Worcester dans le Massachusetts. C’est à cette époque qu’il est autorisé officiellement à reprendre ses recherches en hypnose et qu’il publie son premier article sur le sujet.
Malheureusement des crises de récidives de polio surviennent à l’âge de 35/40 ans et l’handicapent de plus en plus. Il doit alors déménager vers le sud pour rejoindre des endroits secs et chauds, plus favorable à son état de santé. En 1948, suivant le conseil de ses médecins, et en raison aussi de ses nombreuses allergies, Erickson s’installe à Phoenix, en Arizona.
Après avoir travaillé un an au sein de l’Arizona State Hospital, dirigé par un vieil ami psychiatre, il ouvre un cabinet de consultations privées à son domicile, une modeste maison de briques.
Son cabinet est une petite pièce contiguë à la salle à manger et son salon fait office de salle d’attente.
C’est à cette époque, alors qu’il est âgé de 51 ans, qu’Erickson est à nouveau victime d’une récidive de polio.
Cette nouvelle attaque le laisse encore plus handicapé qu’auparavant, mais ayant déjà traversé une épreuve similaire, il applique à cette occasion les stratégies qu’il a mises au point pour retrouver sa force musculaire. N’ayant récupéré que partiellement, il est par la suite contraint de se déplacer en fauteuil roulant et souffre de douleurs chroniques qu’il combat par l’autohypnose :
« Il me faut en général une heure après le réveil pour me débarrasser complètement de la douleur. Cela m’était plus facile quand j’étais plus jeune : j’ai à présent plus de difficultés dans les muscles et les articulations … Ces derniers temps, la seule manière que j’ai trouvée de contrôler ma douleur est de m’assoir dans mon lit, de tirer une chaise à côté et de presser mon larynx sur le dossier de la chaise. C’est très inconfortable, mais cet inconfort je le crée délibérément. »
Au cours de sa carrière, Erickson a collaboré notamment avec Margaret Mead, Gregory Bateson, Lawrence Kubie, Aldous Huxley, John Weakland, Jay Haley et Ernest Rossi. Il est considéré comme le père des thérapies brèves. Ses travaux ont inspiré plusieurs approches thérapeutiques, dont l’hypnose ericksonienne, la programmation neuro-linguistique et diverses autres techniques de traitement.
Parmi ses élèves les plus connus figurent Stephen Gilligan, William O’Hanlon, Stephen Lankton et Jeffrey Zeig.
Le « Sage de Phoenix » est mort le 25 mars 1980, alors que le lendemain il attendait encore des étudiants venus apprendre.